Étonnante convergence : un grand nombre de pays, de la Chine à l'Inde en passant par l'Europe, inquiets du déclin des vocations scientifiques, ont entrepris de rénover l'enseignement des sciences. Mais avec un changement de perspective. La raison majeure invoquée pour justifier ces réformes n'est plus la compétitivité économique, mais la nécessité de recréer une sorte de contrat démocratique entre les citoyens et le développement scientifique.
Initier les enfants dès le plus jeune âge pour que, devenus adultes, ils puissent faire des "choix éclairés", comme le résume Florence Robine, inspectrice générale de physique qui a coordonné un numéro de la Revue internationale d'éducation consacré à "un renouveau de l'enseignement des sciences".
Nombre de pays estiment nécessaire de réformer l'enseignement des sciences...
La litanie du déclin des vocations scientifiques a en effet beaucoup alimenté le discours public sur l'éducation, ces dernières années. Même s'il s'agit d'un problème au regard des capacités de développement économique, dans un contexte de concurrence internationale, le débat s'est récemment déplacé. Les pays se rendent compte désormais de l'importance d'une éducation scientifique de qualité pour tous, pas seulement pour former de futurs scientifiques. Une réforme est à l'œuvre en Angleterre depuis 2004, la Chine a lancé un programme pilote basé sur l'"apprendre en faisant", la France continue de promouvoir activement "la main à la pâte", l'Inde est en train d'abandonner des normes d'apprentissage rigides au profit d'activités expérimentales...
Former des citoyens éclairés, aptes à débattre des choix cruciaux qui sont devant nous en matière de sources d'énergie, de biotechnologies, de santé, d'accès à l'eau et à la nourriture au-delà des peurs et des croyances : voilà le défi. Et pour cela, il est nécessaire d'exposer les jeunes le plus tôt possible à la démarche scientifique. J'ai bien dit à la démarche, c'est-à-dire au mode de pensée en sciences, à la façon dont on construit et valide les résultats scientifiques, dont on les utilise pour comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure, et non pas à l'assimilation de formules et de principes destinés à résoudre des exercices ou à des fins de sélection scolaire.
Ces réformes veulent en finir avec les systèmes élitistes. Faut-il y voir une forme d'autocritique des scientifiques ?
Dans cette question d'élitisme, je ne crois pas les scientifiques coupables, ou alors seulement d'avoir laissé faire, de ne pas avoir suffisamment tôt rompu le superbe isolement de la science, et tendu la main au public au motif qu'il s'agit de domaines dont l'accès demande à l'évidence une clé de décryptage. Mais ce sont bien les scientifiques qui, aux côtés des pédagogues, ont tiré la sonnette d'alarme. Le constat est là : négligeant la formation du citoyen, oubliant de développer d'abord le goût pour la part de culture que transmet la science, l'enseignement a trop vite imposé une abstraction hors de portée, avec des problèmes dont le sens échappe aux élèves.
Pour la Chine, la réforme de l'enseignement des sciences conditionne même un "développement social durable"...
C'est une notion riche d'avenir. Que l'éducation scientifique soit porteuse de ces valeurs, liées à la démocratie et à la liberté, au développement personnel des individus, est une promesse d'avenir et de meilleure compréhension entre les peuples. Que la Chine et l'Inde clament ces objectifs n'est pas la moindre des satisfactions.
La Suède a entrepris de "redonner le goût aux mathématiques". Une question centrale ?
La Suède a en effet entrepris une réforme d'ampleur de l'enseignement des mathématiques, soutenue au plus haut niveau politique. L'un des premiers axes a été de travailler à une représentation plus claire du rôle des mathématiques dans la vie quotidienne et professionnelle. Là encore, il s'agit de modifier les représentations traditionnelles. Les Suédois veulent montrer à leurs enfants que les maths se nichent partout. La production de raisonnements abstraits est une part importante de l'activité mathématique, mais elle doit venir en son temps.
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