Le nutritionniste Pierre Dukan propose dans un livre "Lettre ouverte au futur président" (Cherche Midi) d'instaurer une option "poids d'équilibre" au bac permettant aux élèves de gagner des points s'ils n'ont pas grossi au cours de leurs deux dernières années de lycée.
Le médecin, père d'un célèbre régime décrié par certains, indique dans
son ouvrage avoir émis cette proposition en 2008 lors de la semaine
du surpoids qu'il avait initiée dans les mairies parisiennes.
Il s'agirait pour les candidats au bac dont le poids d'équilibre était
compris entre l'Indice de masse corporelle (IMC) 18 à 25, la très
grande majorité, explique-t-il, de gagner des points optionnels en
restant à l'intérieur de ces limites de poids d'équilibre. En clair,
écrit Pierre Dukan, "simplement ne pas grossir au cours des deux
années" de fin de lycée.
La vérification du poids des élèves se ferait à travers six pesées :
deux par année.
Et pour ceux qui choisiraient cette option, six modules d'une heure
pour les former à la nutrition opérationnelle, la cuisine et
l'activité physique, seraient fournis sur deux ans, ajoute le
nutritionniste.
"Pour éviter toute discrimination, et même avantager ceux qui se
trouvent en dehors de ces limites, une simple progression constante
vers le poids d'équilibre (100 grammes par trimestre)" suffirait à
faire gagner des points...
"C'était un projet d'un immense intérêt", assure Pierre Dukan en
affirmant ne pas l'avoir abandonné. "Il a buté sur la faible
réactivité de l'administration et surtout sur le prétexte de la
discrimination pointé par un club d'obèses bien connu", écrit-il.
("Lettre ouverte au futur président de la République", Pierre Dukan,
Edition du Cherche Midi, 223 pages, 4 euros, sortie le 5 janvier)
Petite illustration du blog d'Olivia :
Autre réaction, plus virulente :
Calcul de l’IMC pour le bac: pourquoi Dukan raconte des bêtises (Slate.fr)
Non content d’être le premier auteur français en 2010,
avec près de 2 millions de livres vendus autour de son régime et
recettes pour suivre son régime, voilà que Pierre Dukan se mêle de
politique.
Le nutritionniste-star publie jeudi 5 janvier sa Lettre ouverte au futur président de la République, un ouvrage qui viendra peut-être rejoindre ses autres livres au palmarès des plus vendus en France (à 4€, ça aide).
Dans une interview au Parisien, Dukan donne les idées phares de son livre, écrit pour «donner un peu de solennité à un sujet que l’on a tendance à prendre à la légère»: le surpoids. Intention louable alors que 32% des Français étaient en surpoids en 2009 d’après l’enquête nationale Obépi.
Que propose donc Pierre Dukan pour lutter contre cette situation? Que
l’État s’empare du marché du bien manger, puisque les industriels ne
voient pas qu’il y a «de l’argent à gagner en produisant des aliments moins gras, moins sucré, etc» (le nutritionniste –qui vend sa propre gamme de produits alimentaires
pour réussir ses propres régimes– raconte avoir entre autres suggéré à
McDo l’idée d’un «McDu» aux galettes de son d’avoine, sans succès…).
Mais la proposition phare de Dukan reste une réforme du programme au bac un peu spéciale (qui dépasse même les exercices dukaniens au bac qu’avait mis au point notre contributeur Jean-Marc Proust dans son analyse du succès littéraire du nutritionniste):
«Mettre en place une option “poids d’équilibre” au baccalauréat rapportant des points d’option pour ceux qui arrivent à garder un indice de masse corporel compris entre 18 et 25 entre la seconde et la terminale serait un bon moyen de sensibiliser les ados à l’équilibre alimentaire.»
Le nutritionniste affirme qu’une telle option ne fera pas naître un
rapport malsain à la nourriture chez les ados (répondant qu’il n’y a «rien de malsain à éduquer les jeunes à la nutrition»
et que ça «motivera» ceux qui ont besoin de maigrir). Là encore,
l’intention est louable, mais la réponse est un peu rapide: demander aux
ados d’avoir un IMC entre 18 et 25 ne revient pas à leur demander de
bien manger pour avoir des points en plus.
Même si l’IMC, votre poids en kilos divisé par le carré de votre
taille en mètre, est mesuré lors des trois classes du lycée, et pas
seulement au moment du bac, rien ne les empêchera de faire des régimes
dangereux ou d’arrêter de manger pour réussir à gagner ces points.
Sans oublier les nombreux problèmes de l’IMC comme mesure qui
permettrait de savoir si un adolescent est en bonne santé (et s’il a le
droit à des points bonus):
- Les seuils de l’IMC sont normalement à prendre en compte pour des gens entre 18 et 65 ans. Les adolescents ont pour la plupart entre 15 ans et 18 ans au lycée.
- Comme l’expliquait sur Slate Jeremy Singer-Vine en 2009, cet indice est surtout une mesure grossière et réductrice de la corpulence: par exemple, il ne fait pas de différence entre masse graisseuse et masse musculaire. Un athlète, ou un adolescent simplement très sportif, pourrait ainsi très bien être classé de façon erronée parmi les gens en surpoids (avec un IMC au-dessus de 25).
- La formule mathématique mise au point par Adolphe Quetelet n’avait comme but que de chercher à définir la relation entre le poids et la taille d’une population d’adultes, un indice parmi d’autres pour définir «l’homme moyen», et ne concernait absolument pas l’obésité.
- L’IMC s’est étendu de l’épidémiologie à la médecine, où il est devenu un moyen aussi rapide qu’incomplet d’évaluer la masse graisseuse des patients, subissant au passage une sur-simplification néfaste: un même seuil à ne pas dépasser pour les hommes et les femmes, seuil lui-même simplifié pour devenir un chiffre rond (25 pour le surpoids, 30 pour l’obésité) «facile à retenir pour les médecins comme pour leurs patients».
- L’IMC s’est en plus ensuite étendu de la médecine aux pratiques individuelles (tout le monde peut calculer son IMC très facilement), non surveillées par un médecin capable d’ajuster son diagnostic en fonction de ses autres examens. Laissant la place aux erreurs d’interprétation dans un sens (une personne en bonne santé se met à faire des régimes) comme dans l’autre (quelqu’un en surpoids se croit en parfaite santé). Encourager la mesure de l’IMC au lycée pour gagner des points, c’est pousser cette «démédicalisation» un pas plus loin.
- En plus d’utiliser les mêmes seuils pour les hommes et les femmes, l’IMC ne prend pas en compte l’âge de la personne (alors que chez les adultes l’IMC augmente jusqu’à 50 ans), et ne reflète pas l’histoire du poids, alors que «d’un point de vue médical, une perte ou un gain massif de poids entraînent un surcroit de risque pour la santé, et ce quel que soit l’IMC», comme l’expliquait Thibaut de Saint Pol dans sa très complète étude «Comment mesurer la corpulence et le “poids” idéal? Histoire, intérêtes et limites de l’indice de masse corporelle» [PDF]. Un adolescent pourrait avoir un IMC parfait à chaque examen effectué pour son «contrôle continu» de son option «poids d’équilibre» au bac grâce à une suite de régimes yo-yo qui ne lui auront pas appris grand-chose sur la nutrition, voire lui auront donné de mauvaises habitudes.
C'est un bon billet, clair et argumenté !
RépondreSupprimerEt si, pour rigoler, on généralisait ce genre d'ineptie (à lire sur mon blog : http://thierrydoukhan.blogspot.com/) ?
Je pense que ça serait déjà un grand progrès si les élèves savaient utiliser les unités de taille, de poids, mettre au carré et diviser ;-)
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