J'ai reçu récemment le livre Matheuses. Les filles, avenir des mathématiques paru le 25 janvier dernier, aux éditions du CNRS. Merci au service presse du Cnrs et à ma sœur qui ont eu la même bonne idée, j'ai pu offrir un exemplaire à une collègue qui m'a bien aidée sur les projets "Sciences au féminin" en 4è cette année !
C'est un ouvrage ambitieux, qui parle de maths mais surtout des liens qu'entretiennent les filles avec les maths : les filles sont nettement moins nombreuses à investir les maths au lycée et dans le supérieur, pourquoi ?
Matheuses est écrit à six mains, par Clémence Perronnet, Olga Paris-Romaskevich et Claire Marc.
Portrait des autrices © Claire Marc pour « Matheuses » |
Clémence Perronnet est chercheuse en sociologie rattachée au Centre Max Weber, également autrice de La bosse des maths n'existe pas. Rétablir l'égalité des chances dans les matières scientifiques (éditions autrement, 2021).
Olga Paris-Romaskevich est chercheuse en mathématiques au CNRS sur les systèmes dynamiques. Elle a contribué à l'organisation du stage mathématique Les Cigales (2020-2023). Les stagiaires des Cigales sont la population étudiée et interrogée pour ce livre Matheuses. Avec Marie Lhuissier (fabuleuse conteuse mathématique) Olga est co-fondatrice de l'association Mathématiques Vagabondes. Dans ses travaux de diffusion, elle a notamment participé à l'écriture des séries Voyages au pays des maths (Arte) et La Grande Aventure des maths (Lumni). Ces séries sont extras pour les lycéens et le grand public ; j'en ai déjà projeté quelques épisodes à mes élèves de 4è sur les pavages, les probas ou Émilie du Châtelet par exemple.
Claire Marc est titulaire d’un master en océanographie et
d’un master de médiation scientifique. Elle dirige son agence de communication scientifique Méduse Communication
afin que chaque citoyen puisse se réapproprier les sciences. Elle est co-autrice de l’ouvrage Tout comprendre (ou presque) sur le climat, lauréat de la médaille 2023 de la médiation scientifique du CNRS. C'est elle qui a illustré et mis en images Matheuses.
Dans le livre Matheuses, on trouve quoi ?
C'est un livre de sociologie grand public et illustré, pour comprendre les inégalités en maths. Les chapitres ont tous pour titre une question permettant d'aborder un thème :
- FAMILLE : Faut-il avoir des parents scientifiques pour réussir en maths ?
- INTELLIGENCE : Faut-il être intelligente pour réussir en maths ?
- INNÉ : Être forte en maths, c'est inné ou ça s'apprend ?
- ORIENTATION : Pourquoi les filles sont-elles beaucoup plus nombreuses en médecine qu'en mathématiques ?
- INFORMATIQUE : L'informatique rebute-t-elle les filles ?
- CONFIANCE EN SOI : Pourquoi les filles ont-elles moins confiance en leurs capacités en maths que les garçons ?
- ÉLITISME : Les maths sont-elles réservées aux élites ?
- RACISME : Ne suis-je pas une mathématicienne ?
- NON-MIXITÉ : Les actions non mixtes sont-elles un levier efficace pour l'égalité ?
- MODÈLES : Les modèles féminin créent-ils des vocations chez les filles ?
Chaque chapitre comporte des éléments statistiques soit basés sur la population générale du lycée, soit sur les stagiaires des Cigales. On a donc des infographies très claires et pour certaines joliment illustrées. Il y a des éléments de sociologie : le constat, l'analyse, les éventuels leviers pour faire bouger les lignes. Je trouve que c'est très intéressant par la diversité des angles d'approche du sujet (rôle des parents, rôle des enseignants, rôle des camarades, rôles-modèles, racisme, inné ou acquis).
Les témoignages oraux des adolescentes sont donnés tels quels dans des bulles façon BD, ça donne un côté authentique et frais ; on a l'impression d'entendre certaines de nos élèves. Parfois en lisant j'avais de la peine pour certaines d'entre elles, envie de répondre à leurs bulles en donnant des conseils, en rassurant, en les questionnant pour aller plus loin...
C'est un livre qui se revendique féministe, mais qui n'est pas "extrémiste" dans le féminisme. En effet, il n'y a pas d'agressivité car "il ne s'agit pas de chercher un coupable, mais de trouver des solutions" pour reprendre une phrase que mon père aimait utiliser dans son boulot.
Dans le livre Matheuses, j'ai aimé :
- L'abondance des sources et ressources en fin de chaque chapitre : on y trouve la biblio des études scientifiques et sociologiques, et une rubrique "En savoir plus..." avec podcasts, livres, films, articles de vulgarisation, sciences dans la fiction etc. Personnellement, les premières références me donnent confiance dans le sérieux de l'ouvrage : ce n'est pas subjectif, c'est établi. Ensuite, les ressources grand public me donnent envie d'aller plus loin quand je ne les connais pas déjà 😏
- Chaque chapitre s'achève sur un problème de maths sympa : les sujets sont appétissants et variés, conçus comme des intermèdes. Ils permettent d'accéder à une démarche de recherche et certains possèdent encore des problèmes ouverts. On explore par exemple les Amidakujis chers à Alice Ernoult, la formule de Pick pour les aires sur quadrillage, la broderie hitomezashi, les polynômes commutants, les marches aléatoires etc. Des indices et des défis guident la lectrice ou le lecteur ; des solutions sont esquissées en fin d'ouvrage => Je trouverais ça chouette que le fait de posséder le livre donne accès à un PDF des problèmes pour pouvoir les utiliser en classe ou en club maths.
- Les illustrations et la maquette : Ce livre est plus épais que ce que j'imaginais quand je voyais seulement la couverture sur les réseaux sociaux, heureusement qu'il n'y a pas que du texte... Le découpage en petits paragraphe alternant avec des graphiques, des témoignages illustrés, des portraits "tendres et réalistes", des concepts mis en images, rend la lecture beaucoup plus fluide. Cela reste quand même ambitieux comme lecture pour une jeune fille qui se poserait des questions, mais un "picorage" est possible selon ce qui l'intéresse.
- Apprendre encore sur les inégalités de genre en sciences. Les témoignages des filles sont édifiants, et pourtant, elles sont toutes inscrites à un stage de maths, donc a priori plutôt motivées par les maths et probablement stimulées par leur entourage (famille ou enseignants). Les attitudes des enseignants sont scrutées et instructives (hommes ou femmes). Le chapitre sur la non-mixité m'a confortée dans la nécessité de promouvoir les initiatives comme les RJMI ou les speeds-meetings avec des lycéennes par les associations Animath et Femmes & Maths. Dans mon collège nous avons vécu hier une matinée Sciences au féminin pour les filles de 4è avec l'association Elles bougent... j'y reviendrai bientôt ici 😊
© Claire Marc pour « Matheuses » |
© Claire Marc pour « Matheuses » |
Pour en savoir plus :
- le site compagnon du livre Matheuses
- Une conférence donnée par C. Perronnet et C. Goldstein aura lieu à l'IHÉS le jeudi 4 avril 2024 à partir 17h30. Renseignements et inscriptions sont accessibles sur la page d'actualités de l'IHES.
- Podcast : émission Zoom zoom zen du 5 février 2024 animée par Matthieu Noël, avec Clémence Perronnet comme invitée. Filles, maths et humour au programme.
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