6 mars 2024

Very math trip : l'effet waooh !

Dimanche dernier, j'ai eu la chance d'assister à l'excellent one man show one math show Very Math Trip écrit et joué par Manu Houdart et mis en scène par Thomas Le Douarec. Le spectacle se joue tous les dimanches à 19 h au Lucernaire (Paris 6è) , jusqu'à début juin.

NB : Je lis dans la newsletter de la Maison Poincaré cette bonne affaire : 

Offre partenaire : tarif partenaire à 20€ au lieu de 30€ pour toutes les représentations jusqu’au 2 juin 2024, dans la limite des places disponibles.
Réservation ici avec le code promotionnel "POINCARE" à renseigner après avoir sélectionné "web / plein tarif". Si le code promotionnel ne peut être appliqué, cela veut dire que le quota est atteint.


Ce seul en scène d'une heure vingt environ nous accueille en chanson, avec la bande-son des collègues-copains twittos Stéphane et Adrien de la chaîne On fait des maths ?. Ils se sont fait connaître avec des reprises musicales mathématiques et parodiques de plusieurs tubes : "C'est les maths que j'préfère" (c'est la ouate), "La tristitude mathématique", "Math collection" (rock collection). Leur chaîne propose des maths pour la famille, des promenades mathématiques et des shorts en partenariat avec Mathador, le célèbre jeu de calcul mental qui fête ses 25 ans cette année.


Manu Houdart nous emmène alors dans une promenade mathématique, intelligente, dynamique et drôle. Les "traumathisés" se réconcilieront vite avec cette belle discipline et feront chauffer leurs neurones. Je ne dévoilerai pas ici tout le contenu du spectacle, mais vous rencontrerez sur scène un Grec bodybuildé, des fractions à boire, le côté obscur de la force, un superhéros, des tours de magie avec ou sans trucs, des médaillés non olympiques, un bulletin scolaire belge, des performances de mémorisation, une myriade de décimales de Pi... 

Une chose est sûre, vous allez participer et vous Gausser ! Un spectacle familial qui s'appréciera sans doute davantage à partir de la classe de 4è, pour saisir les jeux de mots, les allusions aux programmes etc.

J'ai été particulièrement admirative de la manière dont Manu s'adapte aux réponses fournies par le public aux défis qu'il lance. Il y a toujours des mauvaises réponses qui sortent (celles qui sont intuitives, attendues, mais fausses), mais aussi des réponses proches de la vérité, voire exactes. Dans la salle ce dimanche, deux lycéens avaient même sorti une calculatrice pour répondre à l'un des défis. Manu recueille les réponses avec un enthousiasme égal, fait douter ceux qui ont la vérité, prêche le faux, nous taquine, révèle le vrai et rend avec le sourire les lauriers à ceux qui les ont mérités, sans écraser ceux qui se sont trompés.

J'ai eu la chance d'être présente le soir où Manu Houdart échangeait avec le public à l'issue de la représentation ; merci pour ces échanges instructifs ! Nous avons évoqué entre autres le lien entre l'art du spectacle et l'enseignement, sur la diversité des spectacles au Festival d'Avignon. Nous avons même parlé littérature (Littéramath), fausses anecdotes scientifiques (livre Et la pomme ne tombas pas sur la tête de Newton, d'Antoine Houlou-Garcia).

L'effet Waooh, ce n'est pas seulement un spectacle...

J'avais découvert Manu Houdart à travers les réseaux sociaux, sur X-Twitter notamment et sur sa chaîne YouTube, où il a publié de nombreuses vidéos sur les effets Waooh des maths pendant la période Covid et post-confinement. On y trouve notamment des capsules de miscellanées de culture générale ou de cryptographie, des portraits de mathématiciennes (Emmy Noether, Maria Gaetana Agnesi etc.), des probas et des stats avec un angle pratique (loterie, tirages au sort, tests covid etc.), et plus encore. J'avais bien aimé sa collaboration avec un autre "montreur de mathématiques" : Mickaël Launay et Manu Houdart avaient mesuré la Tour Eiffel de manière expérimentale en restant au sol, et en utilisant le théorème de Thalès.

 
 
Si vous n'êtes pas proche de Paris, vous pouvez aussi vous procurer le livre Very math trip qui reprend quelques éléments du spectacle mais aussi des chapitres inédits. Il a toute sa place dans le CDI d'un lycée ou une bibliothèque familiale.
 

 

Un grand merci Manu pour cette très bonne soirée au Lucernaire !

4 mars 2024

Elles bougent, l'association qui vient chez vous témoigner pour les sciences au féminin !

Samedi dernier, nous avons organisé une matinée Sciences au féminin pour les élèves filles de 4è.
 
 
C'est la belle association Elles bougent qui est intervenue, par l'intermédiaire de six "marraines" ingénieures. 

En amont, pendant la séance de vie de classe de cette semaine, nous avions proposé en classe entière (filles ET garçons) un quiz-débat sur les inégalités hommes-femmes, conçu par Elles bougent. Il retrace l'histoire de la mixité, des droits des femmes, de l'accès aux études et aux écoles d'ingénieures. J'ai animé ce quiz dans 4 classes, et les discussions ont toujours été riches. Nous avons notamment parlé des métiers "statistiquement masculins ou féminins" en essayant de voir s'il y avait une raison objective ou subjective (stéréotypée) de cette répartition genrée : force physique, vacances calées sur celles des enfants, salaire, importance du "care" dans le métier etc. Certains préjugés sont très ancrés, chez des élèves pourtant jeunes...

Plusieurs garçons ont exprimé une jalousie au sujet de cette matinée prévue sans eux. Pour leur faire admettre que ce temps entre filles était nécessaire, je leur ai pointé les chiffres qui montrent que les garçons n'ont globalement pas besoin d'être incités à s'orienter vers les sciences, alors que les filles, si. Je venais de terminer la lecture de Matheuses, ça aide... J'ai aussi fait un parallèle avec le handicap : installer une pente inclinée pour les personnes en fauteuil ne nuit pas aux valides. Proposer un temps-fort pour les filles sur les sciences ne nuit pas aux garçons en 4è car il n'y a pas de concurrence à envisager.

À l'issue de ces discussions, nous avons établi des questions à poser aux intervenantes (cliquer pour zoomer) :


Planning de la matinée :

  • 20 min entre adultes pour un accueil convivial
  • 15 min de présentation rapide des marraines en grand groupe
  • 3 tables rondes successives, avec une récré de 15 min après la 2nde table ronde : les élèves sont par groupe de10, et les marraines tournent entre les groupes toutes les 30 minutes
Nous avons investi les 2 CDI lycée et collège, avec trois groupes par salle ; ces lieux sont plus chaleureux que les classes et nos supers profs docs avaient installé des affiches sur des femmes scientifiques disparues ou contemporaines (celles de l'an dernier et d'autres, conçues par nos élèves) et sorti les BD, romans, et ouvrages sur les femmes scientifiques (idées ici).
 
 
Les marraines venaient d'entreprises diverses (GRDF, Safran, Equans, Demathieu Bard, Eramet ideas) et travaillaient dans des domaines variés (géologie pour la construction d'infrastructures, recherche technologie et innovation, cyber et télécom, matériaux et procédés etc.). Les échanges ont été très nourris, et les élèves ont pu poser un grand nombre de questions libres ou prédéfinies.



Ce paysage présente diverses applications / métiers possibles pour une Ingénieure-Géologue.

La matinée s'est terminée par l'annonce de 3 projets de notre collège-lycée :

- La présentation de notre classe de 2nde aéronautique qui peine à recruter des filles

- L'opération Coquelicot que nous reconduisons ce vendredi 8 mars : porter du rouge pour rendre visibles les femmes et les filles de sciences d'aujourd'hui


- Les affiches d'une expo "Femmes de sciences" réalisées par certains élèves de 4è (un binôme de garçons et une quinzaine de filles) et de lycéennes de 1ère et terminale. J'en reparlerai dans quelques jours ici 😉

Les jeunes filles semblent avoir été enthousiastes malgré la contrainte de se déplacer un samedi puisque nous avons eu plusieurs retours de familles dont celui-ci :

Nous tenons vivement à vous remercier pour l'organisation de l'intervention de grande qualité de ce samedi. Notre fille (...), même si elle n'est pas particulièrement à l'aise dans les matières scientifiques, a été impressionnée par la variété des parcours, par l'étendue des possibilités que permet une carrière scientifique et a beaucoup apprécié les échanges qui l'ont éclairée sur les sujets d'équilibre vie pro-perso, équilibre homme / femme... N'hésitez pas à relayer ces remerciements à l'association et à toutes les personnes qui ont rendue possible cette intervention !

Une belle récompense pour les heures de préparation de la matinée. Merci aux marraines d'Elles bougent, merci aux collègues Marie, Céline, Élisabeth et Laurent qui ont œuvré efficacement en amont ou le jour J, merci aux collègues et à ma cheffe d'établissement qui se sont rendues présentes samedi. Nous saurons dans quelques années si ce type de temps-fort a un impact sur l'orientation de ces jeunes filles.

🤞🏻

3 mars 2024

Matheuses. Les filles, avenir des mathématiques

J'ai reçu récemment le livre Matheuses. Les filles, avenir des mathématiques paru le 25 janvier dernier, aux éditions du CNRS. Merci au service presse du Cnrs et à ma sœur qui ont eu la même bonne idée, j'ai pu offrir un exemplaire à une collègue qui m'a bien aidée sur les projets "Sciences au féminin" en 4è cette année !


C'est un ouvrage ambitieux, qui parle de maths mais surtout des liens qu'entretiennent les filles avec les maths : les filles sont nettement moins nombreuses à investir les maths au lycée et dans le supérieur, pourquoi ?

Matheuses est écrit à six mains, par Clémence Perronnet, Olga Paris-Romaskevich et Claire Marc. 

Portrait des autrices © Claire Marc pour « Matheuses »

Clémence Perronnet est chercheuse en sociologie rattachée au Centre Max Weber, également autrice de La bosse des maths n'existe pas. Rétablir l'égalité des chances dans les matières scientifiques (éditions autrement, 2021).

Olga Paris-Romaskevich est chercheuse en mathématiques au CNRS sur les systèmes dynamiques. Elle a contribué à l'organisation du stage mathématique Les Cigales (2020-2023). Les stagiaires des Cigales sont la population étudiée et interrogée pour ce livre Matheuses. Avec Marie Lhuissier (fabuleuse conteuse mathématique) Olga est co-fondatrice de l'association Mathématiques Vagabondes. Dans ses travaux de diffusion, elle a notamment participé à l'écriture des séries Voyages au pays des maths (Arte) et La Grande Aventure des maths (Lumni). Ces séries sont extras pour les lycéens et le grand public ; j'en ai déjà projeté quelques épisodes à mes élèves de 4è sur les pavages, les probas ou Émilie du Châtelet par exemple.

Claire Marc est titulaire d’un master en océanographie et d’un master de médiation scientifique. Elle dirige son agence de communication scientifique Méduse Communication afin que chaque citoyen puisse se réapproprier les sciences. Elle est co-autrice de l’ouvrage Tout comprendre (ou presque) sur le climat, lauréat de la médaille 2023 de la médiation scientifique du CNRS. C'est elle qui a illustré et mis en images Matheuses.


Dans le livre Matheuses, on trouve quoi ?

C'est un livre de sociologie grand public et illustré, pour comprendre les inégalités en maths. Les chapitres ont tous pour titre une question permettant d'aborder un thème :

  • FAMILLE : Faut-il avoir des parents scientifiques pour réussir en maths ?
  • INTELLIGENCE : Faut-il être intelligente pour réussir en maths ?
  • INNÉ : Être forte en maths, c'est inné ou ça s'apprend ?
  • ORIENTATION : Pourquoi les filles sont-elles beaucoup plus nombreuses en médecine qu'en mathématiques ?
  • INFORMATIQUE : L'informatique rebute-t-elle les filles ?
  • CONFIANCE EN SOI : Pourquoi les filles ont-elles moins confiance en leurs capacités en maths que les garçons ?
  • ÉLITISME : Les maths sont-elles réservées aux élites ?
  • RACISME : Ne suis-je pas une mathématicienne ?
  • NON-MIXITÉ : Les actions non mixtes sont-elles un levier efficace pour l'égalité ?
  • MODÈLES : Les modèles féminin créent-ils des vocations chez les filles ?

Chaque chapitre comporte des éléments statistiques soit basés sur la population générale du lycée, soit sur les stagiaires des Cigales. On a donc des infographies très claires et pour certaines joliment illustrées. Il y a des éléments de sociologie : le constat, l'analyse, les éventuels leviers pour faire bouger les lignes. Je trouve que c'est très intéressant par la diversité des angles d'approche du sujet (rôle des parents, rôle des enseignants, rôle des camarades, rôles-modèles, racisme, inné ou acquis).

Les témoignages oraux des adolescentes sont donnés tels quels dans des bulles façon BD, ça donne un côté authentique et frais ; on a l'impression d'entendre certaines de nos élèves. Parfois en lisant j'avais de la peine pour certaines d'entre elles, envie de répondre à leurs bulles en donnant des conseils, en rassurant, en les questionnant pour aller plus loin...

C'est un livre qui se revendique féministe, mais qui n'est pas "extrémiste" dans le féminisme. En effet, il n'y a pas d'agressivité car "il ne s'agit pas de chercher un coupable, mais de trouver des solutions" pour reprendre une phrase que mon père aimait utiliser dans son boulot.

Dans le livre Matheuses, j'ai aimé :

  • L'abondance des sources et ressources en fin de chaque chapitre : on y trouve la biblio des études scientifiques et sociologiques, et une rubrique "En savoir plus..." avec podcasts, livres, films, articles de vulgarisation, sciences dans la fiction etc. Personnellement, les premières références me donnent confiance dans le sérieux de l'ouvrage : ce n'est pas subjectif, c'est établi. Ensuite, les ressources grand public me donnent envie d'aller plus loin quand je ne les connais pas déjà 😏
  • Chaque chapitre s'achève sur un problème de maths sympa : les sujets sont appétissants et variés, conçus comme des intermèdes. Ils permettent d'accéder à une démarche de recherche et certains possèdent encore des problèmes ouverts. On explore par exemple les Amidakujis chers à Alice Ernoult, la formule de Pick pour les aires sur quadrillage, la broderie hitomezashi, les polynômes commutants, les marches aléatoires etc. Des indices et des défis guident la lectrice ou le lecteur ; des solutions sont esquissées en fin d'ouvrage => Je trouverais ça chouette que le fait de posséder le livre donne accès à un PDF des problèmes pour pouvoir les utiliser en classe ou en club maths.
  • Les illustrations et la maquette : Ce livre est plus épais que ce que j'imaginais quand je voyais seulement la couverture sur les réseaux sociaux, heureusement qu'il n'y a pas que du texte... Le découpage en petits paragraphe alternant avec des graphiques, des témoignages illustrés, des portraits "tendres et réalistes", des concepts mis en images, rend la lecture beaucoup plus fluide. Cela reste quand même ambitieux comme lecture pour une jeune fille qui se poserait des questions, mais un "picorage" est possible selon ce qui l'intéresse.
  • Apprendre encore sur les inégalités de genre en sciences. Les témoignages des filles sont édifiants, et pourtant, elles sont toutes inscrites à un stage de maths, donc a priori plutôt motivées par les maths et probablement stimulées par leur entourage (famille ou enseignants). Les attitudes des enseignants sont scrutées et instructives (hommes ou femmes). Le chapitre sur la non-mixité m'a confortée dans la nécessité de promouvoir les initiatives comme les RJMI ou les speeds-meetings avec des lycéennes par les associations Animath et Femmes & Maths. Dans mon collège nous avons vécu hier une matinée Sciences au féminin pour les filles de 4è avec l'association Elles bougent... j'y reviendrai bientôt ici 😊

© Claire Marc pour « Matheuses »
© Claire Marc pour « Matheuses »

Les photos sont des extraits de pages du livre : © Claire Marc pour « Matheuses » CNRS Editions

Pour en savoir plus :

- le site compagnon du livre Matheuses 

- Une conférence donnée par C. Perronnet et C. Goldstein aura lieu à l'IHÉS le jeudi 4 avril 2024 à partir 17h30. Renseignements et inscriptions sont accessibles sur la page d'actualités de l'IHES

- Podcast : émission Zoom zoom zen du 5  février 2024 animée par Matthieu Noël, avec Clémence Perronnet comme invitée. Filles, maths et humour au programme.