Petit article paru le 12 septembre dans Images des mathématiques, et écrit par Annick Lesne, chercheuse au CNRS - IHES Paris.
Nous étions mercredi le 09/09/09. Le journal gratuit distribué dans le métro, que lisait mon vis-à-vis, commentait : « ... une date exceptionnelle, qui n’arrive qu’une fois par siècle ... ». Le commentaire est juste, mais le problème est qu’il est également vrai pour toutes les dates (l’intérêt d’une date étant d’ailleurs d’identifier le jour sans ambiguïté ...). Le 09/09/09 n’a donc rien de plus exceptionnel que son lendemain le 10/09/09. Cette date nous paraît à première vue exceptionnelle parce qu’intuitivement, nous comparons non pas des dates individuelles, mais des classes de dates. En termes plus techniques, nous confondons probabilité et typicalité, la seconde notion étant précisément reliée à la taille de la classe. Dans le cas présent, nous comparons en fait une date de la forme 0x/0x/0x (9 dates possibles) ou de la forme ab/ab/ab (12 possibilités, s’agissant de dates) à l’ensemble des 36500 (environ) autres dates rencontrées au cours d’un siècle. Ce qui nous frappe dans la date 09/09/09, ce n’est pas sa rareté (la même que celle de toute autre date), c’est sa structure régulière.
La méprise est classique : c’est la même qui fait renoncer un joueur de loto à miser sur une combinaison de six nombres qui se suivent, par exemple, bien qu’elle ait exactement la même chance de sortir qu’une autre combinaison « apparemment plus aléatoire ».
Les scientifiques se sont depuis longtemps penchés sur cette question, et sur la bonne façon de mesurer ce caractère apparemment aléatoire d’une séquence ou d’une configuration. En physique statistique, nous disposons ainsi de l’entropie de Boltzmann (de façon très simplifiée, on associe à chaque valeur A d’une grandeur macroscopique l’entropie S(A) égale —à un facteur multiplicatif près— au logarithme du nombre de configurations microscopiques réalisant la valeur A). En mathématiques et en informatique théorique, c’est la complexité de Kolmogorov (ou complexité algorithmique) qui sera utilisée (de façon très simplifiée, la complexité de Kolmogorov d’une séquence est la longueur du plus court programme permettant de la générer). Mais la question est délicate et encore débattue, accompagnant le développement de la sciences des systèmes complexes et des différentes notions de complexité qu’il est possible et intéressant d’envisager. Elle est aussi reliée avec les questions de compression en théorie de l’information.
... Mon vis-à-vis dans le métro a retourné son journal, je n’ai pas pu lire la suite de l’article, et je ne saurai jamais ce qu’il fallait faire pour profiter de la date particulière, mais non exceptionnelle, du 09/09/09.
Nous étions mercredi le 09/09/09. Le journal gratuit distribué dans le métro, que lisait mon vis-à-vis, commentait : « ... une date exceptionnelle, qui n’arrive qu’une fois par siècle ... ». Le commentaire est juste, mais le problème est qu’il est également vrai pour toutes les dates (l’intérêt d’une date étant d’ailleurs d’identifier le jour sans ambiguïté ...). Le 09/09/09 n’a donc rien de plus exceptionnel que son lendemain le 10/09/09. Cette date nous paraît à première vue exceptionnelle parce qu’intuitivement, nous comparons non pas des dates individuelles, mais des classes de dates. En termes plus techniques, nous confondons probabilité et typicalité, la seconde notion étant précisément reliée à la taille de la classe. Dans le cas présent, nous comparons en fait une date de la forme 0x/0x/0x (9 dates possibles) ou de la forme ab/ab/ab (12 possibilités, s’agissant de dates) à l’ensemble des 36500 (environ) autres dates rencontrées au cours d’un siècle. Ce qui nous frappe dans la date 09/09/09, ce n’est pas sa rareté (la même que celle de toute autre date), c’est sa structure régulière.
La méprise est classique : c’est la même qui fait renoncer un joueur de loto à miser sur une combinaison de six nombres qui se suivent, par exemple, bien qu’elle ait exactement la même chance de sortir qu’une autre combinaison « apparemment plus aléatoire ».
Les scientifiques se sont depuis longtemps penchés sur cette question, et sur la bonne façon de mesurer ce caractère apparemment aléatoire d’une séquence ou d’une configuration. En physique statistique, nous disposons ainsi de l’entropie de Boltzmann (de façon très simplifiée, on associe à chaque valeur A d’une grandeur macroscopique l’entropie S(A) égale —à un facteur multiplicatif près— au logarithme du nombre de configurations microscopiques réalisant la valeur A). En mathématiques et en informatique théorique, c’est la complexité de Kolmogorov (ou complexité algorithmique) qui sera utilisée (de façon très simplifiée, la complexité de Kolmogorov d’une séquence est la longueur du plus court programme permettant de la générer). Mais la question est délicate et encore débattue, accompagnant le développement de la sciences des systèmes complexes et des différentes notions de complexité qu’il est possible et intéressant d’envisager. Elle est aussi reliée avec les questions de compression en théorie de l’information.
... Mon vis-à-vis dans le métro a retourné son journal, je n’ai pas pu lire la suite de l’article, et je ne saurai jamais ce qu’il fallait faire pour profiter de la date particulière, mais non exceptionnelle, du 09/09/09.
2 commentaires:
"Le commentaire est juste, mais le problème est qu’il est également vrai pour toutes les dates" : héhé, bien vu.
François me demande ce qui me fait rire comme ça ;o)
En tout cas, c'est le premier et le dernier jour a pouvoir être qualifié de surlendemain de mon anniversaire de 13 ans ! ;-)
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