A l'école et à la maison, les ados veulent plus d'autorité. C'est ce qui ressort d'un sondage qui casse les clichés. Les adolescents, qu'on dit dans l'opposition systématique, seraient surtout demandeurs de cadrage et d'autorité. Le sondage CSA réalisé à la demande de l'APEL, l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre, qui organise son
colloque, du 4 au 6 juin à Montpellier, sur le thème de l'autorité, propose un regard croisé des parents et des enfants au sujet de l'autorité.
Le résultat est édifiant : loin d'être en lutte contre l'autorité, 79 % des jeunes évoquent un sentiment positif à son égard (alors que seuls 66 % des parents ont fait la même réponse). Et plus inattendu encore, ils sont plus de 6 sur 10 à juger cette autorité insuffisante que ce soit dans la sphère privée comme à l'école.
"STRUCTURATION"
"Dans cette période de transformations très anxiogène, l'adolescent cherche des personnes qui le rassurent, qui l'accompagnent, explique Jean-Luc Aubert, psychologue spécialiste de l'enfant et de l'adolescent.
L'autorité n'est pas perçue comme une injonction utilitaire mais serait bienveillante. C'est une structuration qui aide à la recherche d'identité."
La notion d'autorité est alors intimement liée à la confiance et à la sécurité.
"Le vide d'autorité est une situation très angoissante", note Etty Buzyn, psychanalyste et auteure de
Je t'aime donc je ne cèderai pas (Albin Michel, coll. "Questions de parents", 2009).
Les adultes sont d'ailleurs tout à fait conscients des difficultés à s'affirmer face à leur progéniture : 82% des parents d'enfants scolarisés déclarent que l'autorité fait défaut aux autres parents comme aux enseignants.
"Les parents viennent de plus en plus tôt pour me consulter au sujet d'un enfant de 3 ou 4 ans qui leur tient tête en serinant 'c'est moi qui décide', souligne Etty Buzyn.
Aujourd'hui, les enfants sont mis sur un piédestal. Les parents qui sont pour la plupart issus de la génération Mai-68 sont beaucoup plus permissifs. Avant on imposait, maintenant, on propose."
Mais le passage aux aveux n'est pas aisé, surtout lorsqu'il s'agit de juger de ses propres difficultés : plus de 86% des parents comme des enfants estiment que l'autorité est savamment dosée dans leur foyer. Les lacunes étant surtout le fait de l'autre. La parent d'à côté ou l'enseignant.
"ÉVITER UN CONFLIT"
Les enseignants sont eux aussi confrontés au problème de l'autorité. 65 % des jeunes et 66 % des parents pensent que les professeurs ont du mal à affirmer leur autorité sur leurs élèves. Une situation largement aggravée par le fait que 65 % des parents ne reconnaissent ni ne défendent cette autorité.
"Une des grandes difficultés de l'éducation, c'est la manque de cohérence des codes dans les différents espaces de vie : école, famille, amis… Les parents soutiennent souvent leurs enfants simplement pour éviter un conflit", souligne Isabelle de Nanteuil, directrice du lycée Paul Claudel situé dans le 7e arrondissement de Paris.
Pour expliquer ces difficultés des professeurs à se faire obéir, l'ensemble des sondés évoquent prioritairement les classes surchargées. Un argument peu crédible pour Isabelle de Nanteuil : "L'autorité n'a rien à voir avec le nombre d'élèves présents dans la salle, mais est fonction de la personnalité de l'enseignant, de son positionnement. Sa capacité à se faire obéir sera la même face à un ou trente-six enfants."
En fait, ils sont face au même problème "sociétal" que les parents. L'éclatement de la cellule familiale (divorce, monoparentalité, recomposition…) est le premier argument avancé par les parents, comme par les enfants, pour expliquer les failles de cette autorité. Reste qu'un tiers des adolescents estiment aussi de leur côté que leurs parents ne savent tout simplement pas
"dire non", et qu'ils sont
"débordés".
"Si les parents ne parviennent pas à se mettre d'accord, l'enfant prend le pouvoir", rappelle Etty Buzyn.
Pourtant, selon Jean-Luc Aubert, les parents tentent de se montrer plus fermes, emboîtant le pas d'un mouvement pris par l'ensemble de la société.
"Depuis trois ou quatre ans, on revient vers un certain autoritarisme. On délaisse l'idée, née en mai 1968, d'une éducation égalitaire basée sur le dialogue, car trop difficile à mettre en place. Aujourd'hui c'est le mot fessée qui fait son grand retour." Mais autorité et autoritarisme ne sont pourtant pas synonyme. C'est là tout le problème des retours de balanciers.
Sondage CSA-APEL-LA CROIX
réalisé auprès d'un échantillon de 659 parents d'enfants scolarisés et 319 jeunes âgés de 15 à 24 ans, à l'occasion du Congrès de l'APEL "Autoriser l'autorité" qui se tiendra à Montpellier les 4, 5 et 6 juin.